A partir de quand êtes-vous un homme ou une femme 'alpha' ?
Les dirigeants, les gestionnaires, les chefs d'entreprise et les capitaines ont un point commun : ce sont des 'alpha'.
C'est ce que quelques patrons néerlandais ont aussi constaté. Ils ont fermé leurs laptops et sont partis avec leurs collaborateurs à l'étranger. « L'idée remonte à 2007 », entame Michiel Bakker (31 ans), account manager de l'entreprise de publicité online M4N. Son patron, Thomas Joosten, lit The-4-Hour Workweek de Thimothy Ferriss et n'arrive pas à chasser de son esprit le message de Ferriss : qui est efficace et peut mieux organiser son travail peut davantage profiter de la vie, c'est aussi simple que cela.
Joosten y voit l'occasion de faire ses caisses et d'emmener son équipe en 'vacances de travail' à Margarita, une île des Caraïbes. Bakker est de la partie et il en revient plein d'énergie et d'enthousiasme. « Nous commencions nos journées à 7h du matin. Aux Pays-Bas, il était alors une heure de l'après-midi, nos heures de travail chevauchaient donc suffisamment celles de nos clients et de nos collègues ici. Nos journées de travail ne comptaient que six heures. Et à 13h, heure locale, nous fermions nos ordinateurs pour profiter de la plage. »
Travailler en slip de bain, c'est tout à fait possible. Chez M4N, chaque collaborateur peut prendre une journée de congé normale contre quatre journées de 'vacances de travail'. Bakker : « Cette année, je suis allé deux semaines à Curaçao. Les 10 jours de travail que j'y ai passés, ne m'ont coûté que deux jours et demi de congé. Je m'y retrouve dans ce concept. »
En pratique, les vacances de travail sont particulièrement appropriées aux entreprises actives dans l'internet. « On n'a besoin que d'un laptop et d'une connexion internet pour pouvoir travailler. Pas question de prolonger pour autant bien sûr, car nos clients ont envie de nous voir de temps en temps, mais des vacances de deux semaines, cela marche bien », raconte Bakker.
En Flandres, Sabine Fannes, RH de l'entreprise informatique RealDolmen, ne voit pas directement une application possible au concept. « La culture de l'entreprise est bien différente de celle aux Pays-Bas, où le professionnel et le privé se chevauchent beaucoup plus ». Sur les appareils modernes qu'ils utilisent d'ailleurs, tout se mêle naturellement ».
Fannes est convaincu que l'intérêt pour la flexibilité croîtra dans les années à venir. « Les entreprises doivent s'ouvrir à des solutions originales et plus flexibles dans lesquelles cohabiteront le privé et le professionnel ». Seulement certaines entreprises pourront à l'avenir passer à ce type de vacances de travail. « Le contact avec le client reste essentiel pour nous. Il est difficile d'appréhender le modèle de besoins d'un client en étant de l'autre côté de la planète », ajoute-t-elle.
Les vacances de travail sont-elles possibles chez nous ? « Pas au sens strict », nous dit Stijn Demeestere, avocat chez Lydian, même s'il y voit peu de risques de sanction : « Avec les jours de congés légaux, ce n'est pas possible strictement parlant. Selon la loi, ces jours doivent être pris en tant que jours entiers. Un règlement qui 'rémunère' un jour de vacances de travail avec le quart d'un jour de congé n'est pas admis ». Si un employeur décide tout de même de l'appliquer, il pourrait encourir des sanctions. « Pour autant que la décision soit prise avec le travailleur sans qu'il ne doive subir d'inconvénient financier, ce dernier n'a aucune raison d'assigner son employeur au tribunal », nous éclaire l'avocat. Les jours de vacances extralégaux ne sont pas légiférés, sauf dans certains règlements sectoriels. Aucune loi n'interdit de les échanger contre des jours de vacances de travail. Certains secteurs travaillent avec une durée moyenne de travail sur base annuelle. Demeestere : « Il s'agit souvent de 38h semaine. Rien n'empêche une entreprise de travailler 30 heures une semaine et d'étaler le solde des 8h sur 8 semaines de 39 heures ».
Anke Van Canneyt, coordinateur de formations et professeur en psychologie appliquée à l'organisation du travail à la Haute Ecole KATHO, soutient le concept de vacances de travail. « Vous pouvez les considérer comme un incentive. Elles ont lieu dans un cadre inspirant – ce ne doit pas forcément se passer à l'étranger – on ne vit pas cette expérience vraiment comme du travail, même si on y bosse. L'esprit d'équipe en est renforcé, et on peut discuter des conflits ». Qu'un voyage à Curaçao soit fun, Roland Pepermans, professeur en psychologie du travail et des organisations est bien d'accord là-dessus. Mais ce concept soulève de nombreuses questions. « La frontière entre le travail et le privé est très floue. Votre temps disponible et vos congés sont destinés à récupérer. Si vous devez offrir un jour de congé pour de telles vacances de travail, qu'il y en ait beaucoup ou pas, cela peut être nuisible à votre santé physique et mentale ».
Sendsteps, une entreprise néerlandaise d'événements dans le secteur IT, a aussi déplacé deux fois déjà son activité vers des contrées plus ensoleillées pour une courte période. Il y a quelques années, ils sont partis à Majorque et cette année, ils ont passé une semaine à Rome. « Nous emmenons tout le matériel de bureau et nous re-pluggons l'ensemble dans un autre coin du globe. Avec la Voice over IP (un téléphone interne couplé à une adresse IP grâce auquel un télé consultant peut être joint via le même numéro de téléphone à partir d'autres endroits), nous sommes accessibles au téléphone avec le même préfixe », raconte Mike Coumans (27 ans), directeur chez Sendsteps.
Pendant ce type de vacances, vous ne voulez pas faire la même chose que ce que vous faites au pays, Coumans en est conscient : « C'est une autre ambiance. Vous devez disposer de temps et d'espace pour répondre à vos mails, mais aussi pour réfléchir à la mission de l'entreprise, à la vision d'avenir, aux responsabilités de chacun. Pouvoir échanger avec chaque collaborateur ce que vous trouvez approprié et ce que vous trouvez moins correct. »
Les journées de travail sur place sont plus longues qu'au siège. Après le lever, place à une pause petit déjeuner étendue et à partir de 9h, les coups de fil démarrent. Coumans : « Le programme de l'après-midi démarre vers 15h et peut parfois durer jusqu'à 19 voire 21h. Mais c'est ok tant que chacun se sent bien. Vous apprenez à mieux vous connaître les uns les autres, donc la productivité s'accroît aussi de retour au bureau ».
Les vacances de travail sont aussi l'occasion de repérer les environs. « Nous choisissons toujours une semaine avec un jour férié – par exemple l'Ascension – ainsi il y a au moins un jour où l'on ne doit rien faire. Cette fois, on a pu jouer au touriste en plein cœur de Rome », détaille-t-il.
« Je suis déjà parti deux fois en vacances de travail et je repartirai avec plaisir », témoigne Michiel Bakker : « J'ai beaucoup de collègues avec qui je le ferais sans problème. Il ne faut pas considérer cela comme de vraies vacances naturellement. Les intérêts de l'entreprise priment. Disons qu'il faut le voir comme une chouette manière de travailler. »
Bakker est convaincu qu'offrir des vacances de travail est un puissant atout en cette période de guerre des talents. « Dans beaucoup d'entreprises, on peut travailler comme ici, mais toutes n'offrent pas des conditions de travail secondaires comme celles-ci. Vous avez l'occasion de mieux connaître vos collègues. Après cela, il y autre chose entre vous et ceux avec qui vous êtes partis. C'est bon pour l'entente et le plaisir au travail. Vous avez ainsi de belles histoires à raconter et vous êtes content de travailler pour un tel employeur. »
« Il y a suffisamment d'entreprises qui sont d'accord pour aller skier ensemble et qui emmènent leurs collaborateurs en citytrip » conclut Mike Coumans : « C'est naturellement très drôle, mais c'est encore plus intéressant de prendre tout son matériel et d'aller travailler à un chouette endroit, n'est-ce pas ? »
(mo)
10 août 2012Les dirigeants, les gestionnaires, les chefs d'entreprise et les capitaines ont un point commun : ce sont des 'alpha'.
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