Nouvelle loi sur les écarts de salaire remise en cause : les infractions ne sont même pas punissables
La loi sur les écarts de salaire du 7 septembre impose aux employeurs et aux partenaires sociaux de nouvelles obligations pour gommer les différences de traitement entre hommes et femmes. Il y a en fait beaucoup d’objections pratiques à son encontre. Exemple : les sanctions de la loi ne sont mêmes pas punissables pour l’instant.
Des outils existent pour aider les secteurs à mettre au point des systèmes de classification de fonctions neutres entre hommes et femmes, comme une checklist ,mais cela ne semble pas suffisant. « C’est pourquoi la loi impose aux partenaires sociaux des obligations supplémentaires », explique Iris Tolpe, Legal Manager chez le prestataire de services RH Securex. « Au niveau national, un accord interprofessionnel (AIP) se conclut tous les deux ans. Le rapport préparatoire au Conseil national du Travail est désormais complété d’une rubrique sur l’évolution de l’écart salarial, ainsi ce thème vient à l’agenda de l’AIP. Au niveau sectoriel, les comités paritaires doivent soumettre leur système de classification et de valorisation de fonction pour avis au SPF Emploi, Travail et Sécurité Sociale (ETC). Si l’on constate un problème, le comité paritaire doit rédiger un plan d’action et dans les deux ans, avoir gommé les incompatibilités.
Rapport d’analyse
Un rôle important est laissé à l’employeur. Celui-ci doit désormais dans son bilan social séparer des tas d’informations selon le sexe des travailleurs, le nombre moyen des travailleurs plein temps et à temps partiel, les heures prestées, les frais de personnel etc. ‘En outre, les entreprises de plus de 50 travailleurs vont devoir établir tous les deux ans, un rapport d’analyse de la structure salariale des travailleurs masculins et féminins séparé par sexe et un classement selon le statut, le niveau de fonction, l’ancienneté et le niveau de qualification ou de formation », détaille Iris Tolpe
Dans les entreprises comptant 50 travailleurs et plus, il sera aussi possible désormais de désigner un médiateur, sur proposition du conseil d’entreprise ou du comité de sécurité et de prévention au travail. Celui qui se sent discriminé quant à son salaire en raison de son genre, peut prendre contact avec le médiateur.
Pas d’application
Si la loi entrera directement en application, c’est encore un point d’interrogation. Avant qu’elle puisse être appliquée, il fait attendre des modèles adaptés de bilan social, le formulaire modèle pour l’analyse et un arrêté royal qui définisse les qualifications, les compétences, et les règles déontologiques s’appliquant au médiateur.
« En plus, le législateur se réfère pour les clauses pénales aux articles de la loi d’inspection du travail qui est abolie depuis le 1er juillet 2011 », ajoute Karin Buelens, juriste au centre de connaissance de SD Worx. « Cela signifie que les sanctions de cette nouvelle loi sur l’écart salarial ne sont pas applicables actuellement. »
Pourtant des instruments sur le plan législatif existent depuis longtemps » poursuit Karin Buelens. « Qui se sent victime de discrimination sur base du sexe, peut attaquer son employeur devant le tribunal. En 2007, la loi sur la discrimination homme femme est arrivée et en 1999, la loi sur l’égalité des chances entre homme et femme. Mais il est encore difficile de prouver que l’écart de salaire est lié au sexe. »
Quotas
Pour Christel Van Wouwe, expert en rewarding au centre de connaissances de SD Worx, la loi a fait un pas dans la bonne direction mais elle déplore qu’il n’y ait qu’un seul facteur qui soit pris en compte. « Souvent des facteurs externes déterminent aussi le système salarial des organisations. Ainsi 70% des entreprises belges ont des systèmes de classification et de valorisation de fonction dont 26% suivent le comité paritaire. Les autres, les systèmes propres aux entreprises, diffèrent fort selon les principes d’équité externes, où la taille, le secteur et la région sont déterminants. Une PME dans l’industrie du bois en Wallonie ne rémunère pas ses comptables de la même façon qu’un géant de la pétrochimie à Anvers. Il n’y a qu’une petite partie de l’écart salarial qui se justifie par le genre. »
Selon Winanda Nuyttens, consulting manager au bureau de conseil Hay Group, la clé n’est pas seulement dans un salaire équivalent pour un travail équivalent, mais aussi dans des chances de carrière équivalentes et des perspectives salariales qui y sont liées. « Hay Group croit qu’un quota de femmes au conseil d’administration peut à long terme être plus radical. Les quotas tirent les femmes vers des fonctions à plus haute responsabilité. »
24 septembre 2012